Par définition, le corps est d’abord «la partie matérielle d’un être animé […] ». Il est donc, en premier lieu, dynamique. Il représente l’action et le mouvement, l’expression. Il est identitaire et singulier, unique, mais, paradoxalement, se doit d’être uniformisé et lissé. Il peut être catégorisé : jeune ou vieux, blanc ou noir, homme ou femme. Il est donc également symbolique, représente un véritable motif de combat et de lutte pour la survie, et ce depuis la nuit des temps. Certains auront même perdus la vie dans ces batailles, en s’y lançant à corps perdus…
Le corps subit donc. Il mute aussi, de manière naturelle, fortuite ou intentionnelle, entre grossesse, accident ou chirurgie. Il est les sens, il est l’ouïe, le toucher, l’odorat…Il est l’éveil. Il est le conscient, mais aussi le messager de l’inconscient à travers nos pulsions, car siège de nos émotions. Maquillé, travesti, puis désiré et convoité. Il est amour, sexe et passion. Exalter en se livrant corps et âmes à ces corps à corps. Il est alors anatomique et substantiel, organique et bien vivant.
Il n’y a qu’un « e » à franchir pour transformer le « corps » en « corpse », qu’on traduira par « cadavre » dans la langue de Shakespeare. Lorsqu’il est mort, il semble se déposséder de son essence. Reste la plastique, une enveloppe vide. Paradoxalement, d’un point de vue quantique, la matière est quasi exclusivement constituée de vide. Le corps, la matière, ne serait alors qu’un ensemble de rien et d’absence de ?
Pourtant, quand le corps charnel n’est plus, reste l’esprit. L’âme, la pensée. Générateur abstrait de concepts métaphysiques. De Platon à Bouddha, grands penseurs et religieux, chacun y va de sa théorie pour réunir ou séparer ce binôme corps/esprit. Gare aux péchés de l’hédonisme lorsque la mystique se frotte au corps physique. Le corps peut donc également être un point de vue. Doctrines morales, textes pieux ou théories sectaires, tous y regroupent un ensemble de règles corpusculaires. D’ailleurs, même un jeune médecin ne peut traditionnellement pas commencer à exercer sans avoir rendu hommage à Hippocrate avec son célèbre serment, l’autorisant ainsi à intégrer officiellement le « corps médical ».
Le corps subit oui, au nom de la science, du plaisir ou de la violence, d’un corps de texte, d’un corps étatique, d’un corps de preuves ou d’un « corps-sage ». Il est le siège de grands contrastes et divergences, pensé et critiqué, individuel et formaté, sublimé et camouflé, aimé et haï, fictif et réel, abstrait et matériel… Alors oui, le corps, est assurément un bien vaste débat.
Macha POIRIER, 2019