« Même quand la blessure guérit, la cicatrice demeure. » – Publius Syrus
Le deuil de la santé, l’espoir et le combat face à la maladie
SPEM (« espoir »)
« Il a reçu l’annonce en pleine face, comme un boomerang à pleine vitesse. Un vrai choc. Il est sidéré, presque apathique. Le cancer l’aurait eu, se serait insinué lentement en lui, s’installant confortablement dans un nid douillet organique, bien au chaud, tricotant son réseau malin chaotique. Pourtant, à cet instant précis, il se sent comme une bulle de savon en apesanteur. Un mécanisme de défense a fait le vide émotionnel en lui, créant un espace-temps nu et lisse. Il regarde autour de lui, ne réalisant pas la situation. Les images sont floues, les sons dénués de sens, les odeurs sans intérêts… Pas d’écho, rien, juste le vide.
Puis vient le déni. Il commence à réaliser. « Mais ce n’est pas possible ! ». Ce n’est qu’un mauvais rêve, un cauchemar de mauvais gout qu’il refuse d’accepter pour vrai. Il conteste, cherche à vérifier l’information, se réfugiant derrière ce qu’il peut, un faux semblant, un faux sourire, un masque. Il n’a perdu ni de sa force vitale, ni de sa puissance ou son ardeur. Tout ça n’est qu’une mascarade.
Après la négation, la colère fait surface. Il se révolte, ses pulsions violentes quasi destructrices sont l’expression de son sentiment d’injustice. Il réalise que cette explosion n’est que le reflet de l’impossibilité de retour. « NON ! Laissez-la-moi, ma santé… ». Entité divine ou moi intérieur symbolisé, il marchande avec le vent, l’air, l’eau, la pluie. Ça y est. Il a réalisé. L’immortalité n’était qu’un fantasme illusoire.
La tristesse gagne du terrain sur le vide et la colère. Il se répète « L’avantage quand il pleut, c’est qu’on peut bien pleurer, on y voit que du feu, c’est que de l’eau salée… ». Il a mal. Très mal. « J’ai mal à mon cœur, tu sais ». Il ne se reconnait plus. Il cherche une issue, se questionne, tout en désespérance. Il pense enfer, il pense froid, il pense mort. La sienne.
C’est trop dur. Il baisse les bras. Il se résigne et se camoufle derrière son loup funeste qu’il avait gardé juste au cas où. Il revêt une peau qui n’est pas sienne, cherchant à abandonner un corps qui n’est plus vraiment sien. Il est fragile, faible, à la merci de tous.
Heureusement, il n’est pas seul, et le temps passe. S’il a permis au compagnon tumoral de trouver asile en lui, il lui permettra d’y faire face et de le battre. Alors il finit par accepter. Il n’est pas fataliste, mais « la vie est injuste » lui a-t-on dit, et c’est comme ça. La nuit, il rêve d’or et de trésors, symbole de précieuses énergies psychiques cachées au plus profond de lui. C’est la force vitale de l’espoir, le Spem.
Alors il y croit de nouveau, chérissant à chaque seconde ce précieux filet doré d’espérance qui grandit un peu plus chaque jour. Il cherche à se reconstruire. Il accepte son nouveau lui, sans masque ni travestissement. Ses cicatrices visibles ou invisibles témoignent de ce qu’il est aujourd’hui, de ce qu’il a dû endurer. Et elles sont belles. Elles sont la preuve de sa volonté, de son courage, de sa force. Elles sont les traces de son Spem… Il devrait être fier de lui. Il a gagné. Ils ont gagné. »
Macha POIRIER, 2017
Crédit photo : Juliette Berny